diumenge, 27 de juliol del 2014

Et voilà tout ce qui m’est arrivé à Lodève… (notes de Cèlia Sànchez-Mústich, traduïdes al francès per Nathalie Bittoun)

17e Voix de la Meditérranée Festival de la poésie Lodeve 2014

Et voilà tout ce qui m’est arrivé à Lodève…

par Cèlia Sànchez-Mústich, traduction Nathalie Bittoun

Ne commençons ni par le début ni par la fin, mais par le milieu. Le point culminant du temps vécu à Lodève au Festival Voix de la Méditerranée de poésie (rien que trente heures, rien de moins que trente heures !) a été ce vasistas ouvert sur le ciel, dans la chambre de la maison où nous ont accueillis (par le biais de l’organisation) un couple de volontaires. Didier et Béatrice vivent leur amour dans une maison (spectaculaire) « pour partager amour et maison avec les autres », selon leurs mots, et ils ont un peu rougi quand je leur ai dédié le poème « Chambre d’amis » (un autre eut été impensable !) dans l’un des récitals auxquels j’ai participé.

Et maintenant, refaisons un petit tour depuis le début. Il n’est pas rare que les anomalies donnent des fruits positifs : mon premier récital n’était pas pour moi, c’était celui d’une femme poète grecque qui n’avait finalement pas pu venir, et ce devait être un spectacle sur musique d’accordéon. L’organisation m’a alors proposé de réciter à sa place et, bien que cela signifiait que je devais me lever à cinq heures du matin pour arriver à Lodève bien avant de ce que j’avais prévu, j’ai accepté (Que dis-je, accepter ! Non ! Il me semble que j’ai fait comme la doublure de la soprano qui, la mort dans l’âme, se réjouit de l’aphonie subite de la diva !). On attendait une Grecque, et c’est une Catalane qui s’est présentée, mais ma crainte de voir les gens partir s’est évanouie en voyant que la salle était pleine et qu’ils étaient tous là, bien installés, prêts à assumer le risque d’un changement de programme. À la fin du récital, de nombreux spectateurs se sont approchés pour me faire savoir combien il leur avait plu, dont une Américaine qui vit à New York, une fan de la langue catalane qui, avec son mari, va depuis de nombreuses années à Prades, et elle exultait ! Une expérience passionnante, lire des poèmes en catalan avec une interprète de l’élégance de Catherine Bédarida et l’accompagnement (pas du tout envahissant) de l’accordéonniste Renaud Grémillon, exceptionnel, séduisant (style « beau mâle », avec son débardeur blanc, comme s’il allait travailler au port).

Recital à la Galerie  Ô Marches du Palais, avec la musique de Rigaud Grémillon (accordéon) et animée par Catherine Bédarida 

Pendant cinq jours, la ville de Lodève est littéralement assiégée par la poésie, ou vice-versa. On regarde en l’air et il y a des poèmes suspendus d’un côté à l’autre des rues, on regarde devant soi et on trouve des poèmes sur les murs et dans les vitrines, on regarde par terre et on voit des poèmes écrits sur les trottoirs, tournant aux coins de rues. On tend l’oreille et, de partout, ce sont des vers, des chansons et le brouhaha de la fête qui arrivent. Et puis aussi, cette année, le nom d'Abbas Kiarostami, invité du Festival.

La deuxième lecture a été partagée avec un poète occitan, Jean-Marie Petit, un sacré personnage, communicatif et ironique, avec aussi le privilège d’une jeune interprète à mes côtés, Azyadé Bascunana. Et le tout, présenté par l’affectueux François Szabó, qui se défendait drôlement bien en catalan ! Il aurait fallu voir ma tête quand j’ai constaté qu’il plaçait sur la table quatre de mes livres (différents, bien entendu) de poèmes et un en prose. « Comment ça se fait que tu aies ça ? », lui ai-je demandé (ce n’est pas normal qu’un Français qui ne te connaît ni d’Ève ni d’Adam ait quatre de tes livres) et, pour toute réponse, un fier sourire énigmatique. 

Au Jardin de l'Hôtel de ville, avec Adzyadé Bascanuna (comédiene), François Szabo (animateur), et Jean-Marie Petit (poète occitan)
Des centaines de personnes (organisateurs, animateurs, interprètes, consultants, volontaires, artistes, poètes de la Méditerranée et d’au-delà) rendent possible une bulle de bonheur qui m’a rappelé la petite bulle de la « Festa de la Poesia » de Sitges. 

La troisième lecture s’est partagée avec la poète française Laurence Vielle, drôle et originale, et là aussi j’ai eu droit à un présentateur, Philippe Païni (très bien documenté), une interprète, Périne, qui savait pénétrer les poèmes, et un second interprète d’exception (pour la partie consacrée à l’interview qu’il nous ont faite) : Florenci ! Qui est monté sur l’estrade et a fait ce qu’il fait toujours : aider avec efficacité et enthousiasme, et créer une bonne ambiance. À la fin de la lecture, un Français du public qui ressemblait à George Clooney m’a mis les mains sur les joues et m’a dit le « merci beaucoup » le plus enflammé que l’on me dira peut-être jamais.

Recital à la Place du Puits avec Philippe Païni (animateur), Laurence Vielle (poète) et Périne Faivre (comédiene)

Et faisons maintenant un saut vers la fin pour pouvoir glisser en arrière. Nous étions déjà à Perpignan, de retour, à la recherche d’une adresse car sur la route nous devions ramasser un paquet pour une amie, complètement paumés, et, quand on a demandé à un Perpignanais s’il pouvait nous indiquer où c’était, il s’est offert à monter dans la voiture et à nous guider chemin faisant, et on allait drôlement loin ! (C’était soit un psychopathe qui voulait nous trucider, soit l’homme le plus aimable et le plus prévenant du monde.) Et c’est comme ça qu’on est arrivés à destination. Au moment des adieux, le dernier exemplaire de Cet espace entre nous qui était dans mon sac s’est retrouvé entre ses mains pour toute récompense. Que se passait-il ? Était-ce parce que l’onde de choc de l’explosion poétique de Lodève, chargée de générosité, était arrivée à Perpignan et avait provoqué ce fait miraculeux ?

Reculons un chouïa pour arriver aux deux heures de signature de livres. Non, je n’ai pas passé deux heures à signer des livres sans arrêt (même à Lodève, ce miracle est impossible…) mais, si je peux me permettre l’expression, ça a été mon meilleur « Sant Jordi » poétique : j’ai signé une bonne douzaine de livres à des personnes que je ne connaissais pas, dont certaines avaient assisté aux lectures. Et elles se présentaient avec des sourires et même des embrassades que je ne savais pas comment recevoir tellement ils étaient authentiques. Et comme je ne sais pas parler français (il faut que je lise plus de Tintin pour y remédier), je leur écrivais une dédicace méli-mélo, mi-catalane, mi-française (j’avais une antisèche, stratégiquement cachée sous un livre, que m’avait écrite Szabó, ce complice).



Que m’est-il arrivé d’autre à Lodève ? Eh bien j’ai connu Ada Salas, poète de Cáceres, et la poète française Lu Raoul, charmantes. J’ai eu la surprise de constater que Tònia Passola et Gustavo Vega étaient venus me voir, ces amis poètes qui se trouvaient au festival voisin de Sète, où elle récitait. Je me suis cassé la figure (genoux égratignés et contusion au bras) et ai été secourue (outre par Florenci) par un touareg dont la tunique était aussi bleue que mes genoux un moment après, et à qui nous avons ensuite acheté des boucles d’oreilles de son petit étal, en guise de souvenir de Lodève et de symbole de « se relever après une chute ».

Merci au directeur du Festival, Franck Loyat, et à son équipe. Et aux amis qui étiez au bureau du festival, à tout bien ficeler, qui traitiez chaque poète et chaque artiste comme s’ils étaient uniques au monde, Laetitia, Amandine, François, Vicente... Et merci Marc Delouze pour ton support et pour la cofondation de Voix de la Méditerranée. Et merci François Michel Durazzo pour la merveilleuse traduction de Cet espace entre nous, sans laquelle… Et Myriam Solal, qui a provoqué l’irruption de mon livre traduit à Paris. Et merci beaucoup[1], Florenci, d’être le meilleur des compagnons et de partager ce vasistas qui regardait le ciel de Lodève.

Notre « Chambre d'amis » particulière
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[1] En français dans le texte.